Garance Vallée est une artiste, architecte et designer basée à Paris dont la pratique multidisciplinaire fusionne architecture, design et arts visuels. Son travail explore le lien entre le corps humain, l'espace et les objets, s'interrogeant sur l'intimité, la domesticité et notre place dans la nature. S'affranchissant des conventions, Vallée crée un univers profondément personnel et organique à travers la sculpture, l'installation, le dessin et l'architecture d'intérieur.

Guidée par l’intuition et l’expérimentation, sa pratique embrasse la lenteur, l’émotion et l’expérience physique comme outils essentiels pour créer du sens et de la connexion.

Dans cet entretien, Garance Vallée se confie sur la façon dont la maternité, la santé mentale et les moments de calme façonnent sa pratique créative. Elle partage ses rituels de bien-être, la profondeur émotionnelle de son travail et l'importance d'écouter son corps et de faire confiance à son intuition ; elle offre une réflexion sincère sur la créativité, l'équilibre et l'art de ralentir.

AS : Quelles sont les pratiques d’autosoins qui, selon vous, profitent le plus à votre travail et à votre production créative ?

GV : Je ne commence jamais la journée sans prendre le temps de me calmer et d’écouter mon corps. Je commence toujours par de longues et profondes respirations, sans téléphone. Chaque matin, mon mari, Franck Pellegrino, sort notre bébé de sa chambre et le place dans notre lit. Ça peut paraître ringard, mais ce câlin matinal me remplit de joie.

Je prends soin de ma santé mentale, car je sais que si mon esprit est au beau fixe, tout le reste coule de source. Les longues promenades m'aident à me ressourcer et à trouver l'inspiration. Et cette année, j'ai vraiment appris à accepter l'ennui. Le processus créatif est long et intense. Certains jours sont vides et sans idées, et c'est normal. Nous vivons dans une société qui prône la production et la croissance constantes, mais je crois qu'il faut laisser la lenteur et le silence faire partie du processus, sans culpabilité.

AS : De quelles manières entretenez-vous votre santé mentale et émotionnelle pour maintenir votre créativité et votre inspiration ?

GV : Ce qui fonctionne le mieux pour moi, c'est de regarder au-delà de ma propre discipline. Pour trouver de nouvelles idées, j'ai besoin de m'inspirer d'autres domaines. Me comparer aux autres dans mon propre monde ne fait que créer des nœuds mentaux, alors je reste curieux de l'inattendu.

Depuis que je suis maman, je suis plus attentive à ma curiosité : je regarde à travers les yeux de mon enfant, je remarque les détails, je ralentis. J'écris beaucoup avant de commencer un projet. Les mots m'aident à ancrer mes idées et à me rappeler pourquoi je crée, donnant du sens à mon travail et me permettant de rester ancrée dans ma personnalité.

« NOUS VIVONS DANS UNE SOCIÉTÉ QUI IMPOSE À LA PRODUCTIVITÉ ET À LA CROISSANCE CONSTANTES, MAIS JE CROIS QU'IL FAUT LAISSER LA LENTEUR ET LE SILENCE FAIRE PARTIE DU PROCESSUS, SANS CULPABILITÉ. » - Garance Vallée

AS : Quelles pratiques ou routines intégrez-vous dans votre vie quotidienne pour soutenir votre travail tout en préservant votre énergie créative et votre bien-être mental ?

GV : En tant qu'artiste travaillant avec l'espace, l'atmosphère est primordiale. Je veille à ce que mon atelier soit chaleureux, confortable et ouvert, un lieu où je peux bouger librement et me sentir en sécurité. La musique occupe une place importante dans mon processus créatif ; elle donne le ton et m'aide à me déconnecter du monde extérieur.

Pour préserver mon espace mental, je consacre du temps de qualité à la version la plus simple de mon art : un carnet de croquis et un stylo. Je m'occupe généralement de travaux administratifs ou de commandes le matin, puis je retourne à la page blanche. Je sors aussi quand j'ai besoin de changer de perspective. Je ne peux pas faire la même chose toute la journée ; alterner les modes de travail me permet de rester dynamique.

AS : Comment gérez-vous les revers ou les défis dans vos efforts créatifs tout en donnant la priorité à votre bien-être ?

GV : Les échecs peuvent être durs, surtout parce que mon travail est très personnel. Quand quelque chose ne fonctionne pas, il est difficile de ne pas le prendre personnellement. Je peux être émotif, et cela mène parfois à des moments de doute, voire à des crises. Je me demande : « Pourquoi ont-ils arrêté le projet ? N’ont-ils pas aimé mes idées ? »

Quand cela arrive, j'essaie de prendre du recul. J'évite de survoler les pages ou de sombrer dans le doute. Je me concentre sur l'aide que je donne à mon mari dans ses projets, ce qui me permet de renouer avec mon intuition et ma confiance. Le soutenir me permet aussi de prendre du recul par rapport à mon propre travail et me rappelle ma valeur en tant qu'artiste et penseuse.

AS : Quel environnement ou cadre spécifique trouvez-vous particulièrement propice à la fois aux soins personnels et à l’inspiration créative ?

GV : Même si je suis casanier de nature, voyager et sortir de Paris me rafraîchit la vue. Ma créativité s'épanouit lorsque je découvre de nouveaux lieux et de nouveaux rythmes. J'essaie aussi de passer le plus de temps possible avec mes proches.

Ma famille a traversé une période difficile récemment. Ma mère a survécu à deux cancers du cerveau ces quatre dernières années. Être proche d'elle me permet de garder les pieds sur terre. Devenir mère cette année a approfondi ma compréhension des soins. Cela m'a permis de prioriser ce qui compte vraiment. Je suis passée d'un état d'esprit de sprint à un état d'esprit de marathon. La vie est fragile, et créer de l'espace pour ce qui compte le plus est désormais au cœur de tout ce que j'entreprends.

AS : Quel est le meilleur conseil d’autosoins que vous ayez reçu ?

GV : Faites confiance à votre instinct. Et ne faites jamais rien sans intention.

ASeriesof Tous droits réservés.